Ezra Furman est une artiste, autrice compositrice et interprète américaine de 34 ans. C'est aussi une figure queer, de grands yeux d'enfant et une rage poétique, une voix déchirée, un être sensible, des mots sincères et un élan pétillant sur scène.
Son œuvre musicale oscille entre glam rock, punk et folk. Prolifique, Ezra a signé la BO de Sex Education et son dernier album Twelve Nudes se pare de notes encore plus punk.
J’ai découvert Gisèle Halimi devant ma télévision un soir. Elle, si combattive devant l’horreur, aux côtés de deux femmes violées. Elle est de ces femmes qui changent un monde, qui se battent au-delà de ce qui semblait possible. Au procès de 1978, où trois violeurs étaient jugés pour avoir fait subir des atrocités à deux jeunes femmes venues voyager en France, elle a tout donné. Grâce à cette rage de combattre les injustices, Gisèle, l’avocate, a gagné un pari fou pour l’époque : faire juger les viols en tant que crimes et non plus comme simples délits. Parce que oui, le viol est un crime, une mort sans cadavre, un traumatisme immense.
En fouillant un peu plus sur Gisèle Halimi, je me suis rendue compte qu’elle n’en était pas à sa première bataille, à son premier combat pour les femmes. Procès de Bobigny, 1972, elle défend une jeune fille de 16 ans, tombée enceinte à la suite d’un viol. Elle a avorté clandestinement, aidée par sa mère et des amies, elles se retrouvent toutes devant un tribunal. Gisèle Halimi obtient la relaxe pour tout le monde et ce procès aidera Simone Veil à faire promulguer la loi sur l’IVG en 1975.
Elle est de ces femmes qu’on ne peut oublier, qui restent dans un coin de la tête quand il est temps pour nous de faire face à des injustices. Elle nous donne l’envie de nous révolter et d’aller jusqu’au bout de cette révolte car elle est la preuve que nos combats ne sont pas vains.
Daniela Carrasco, connue sous le nom de la « Mimo » (la mime), a été retrouvée pendue, à Santiago du Chili, le 20 octobre 2019. Visage maculé de blanc, nez de clown, et costume de saltimbanque, cette artiste de rue et militante pacifique avait trente-six ans. Elle était l’une des figures emblématiques de la contestation chilienne, depuis le début du mouvement social contre les disparités socio-économiques, lancé le mois d’octobre dernier. Le « Chile desperto » (réveil chilien) dénonce en effet le coût des services publics, mais aussi les abus de pouvoir et la violation des droits humains, à commencer par les viols et autres agressions contre les femmes, faisant face à une répression virulente.
Pour le moment, cette affaire demeure mystérieuse et confuse. Les policiers ont affirmé qu’il s’agissait d’un suicide, mais de nombreuses associations et manifestant.e.s, comme la section chilienne du collectif « Ni una di meno » (pas une de moins), parlent d’un féminicide d’état. L'association affirme que la mime a été « violée, torturée », puis « tuée », et « montrée comme un trophée, en guide d’avertissement à tou.te.s les autres ». Le collectif d’avocates chiliennes ABOFEM a publié un message sur les réseaux sociaux visant à dénoncer les « fausses informations » qui ont circulé sur l’affaire. Elles révèlent que Daniela a laissé une lettre expliquant les raisons d’un suicide éventuel, et qu’aucun signe évident de torture ou d’agression sexuelle n’a été trouvé. L’enquête visant à clarifier les circonstances de sa mort est toujours en cours.
« Elles jetaient ou levaient des sorts, fournissaient des filtres et des potions, mais elles soignaient aussi les malades et les blessés, ou aidaient les femmes à accoucher. Elles représentaient le seul recours vers lequel le peuple pouvait se tourner et avaient toujours été des membres respectés de la communauté, jusqu’à ce qu’on assimile leurs activités à des agissements diaboliques. Plus largement, cependant, toute tête féminine qui dépassait pouvait susciter des vocations de chasseur de sorcières. Répondre à un voisin, parler haut, avoir un fort caractère ou une sexualité un peu trop libre, être une gêneuse d’une quelconque manière suffisait à vous mettre en danger. Dans une logique familière aux femmes de toutes les époques, chaque comportement et son contraire pouvait se retourner contre vous : il était suspect de manquer la messe trop souvent, mais il était suspect aussi de ne jamais la manquer ; suspect de se réunir régulièrement avec des amies, mais aussi de mener une vie trop solitaire… L’épreuve du bain le résume bien. La femme était jetée à l’eau : si elle coulait, elle était innocente ; si elle flottait, elle était une sorcière et devait donc être exécutée. »
Extrait de Sorcières - La puissance invaincue des femmes, Mona Chollet, Zones, 2018.
L'autrice, réalisatrice et traductrice française est née en 1969, époque du premier pas sur la lune, du premier vol du Concorde, de la première montre à quartz et du tube Whole Lotta Love. En 1994, elle fait paraître son premier roman Baise-moi, relatant l’histoire de Manu et Nadine, deux héroïnes dont l’une est travailleuse du sexe, et l’autre est familière du monde pornographique. Six ans plus tard, elle en fait une adaptation cinématographique avec Coralie Trinh Thi. Ce film est controversé et interdit en salle trois jours après sa sortie. Après sa séparation avec Philippe Manœuvre, Virginie Despentes fait son coming-out en déclarant à la presse être « devenue lesbienne à 35 ans ».
Elle rencontre Paul B. Preciado, auteur espagnol ayant transitionné, avec qui elle partage sa vie. En 2006, Virginie Despentes publie King Kong Théorie, essai autobiographique où elle décrit un féminisme pluriel, dénonçant celui « confisqué par les blanches bourgeoises hétérosexuelles ». En mars 2012, elle adapte à nouveau l'un de ses romans, Bye bye Blondie. Puis, elle commence en 2015 la publication de sa trilogie la plus connue, Vernon Subutex, récemment adaptée en série télévisée par Canal + avec cet acteur si rock’n’roll, Romain Duris…
De son vrai nom Merrill Beth Nisker, cette chanteuse musicienne aux allures punk/rock electroclash, née en 1966, se produit en solo depuis la sortie de son premier album « The Teaches of Peaches », en 2000. Elle est une des références musicales du milieu féministe et queer, en assumant son soutien à ces luttes. Elle se définit comme étant bisexuelle, avec une pointe d'humour : « Je suis bisexuelle, j'aime les femmes, j'aime les hommes, j'aime les mélanges, tout est bon pour moi ! », et évoque la sexualité dans ses morceaux, naturellement et sans tabou.
Dans un article du Gardian, elle exprime son désaccord face au sexisme ambiant dans le monde de la musique, en expliquant la différence de traitement entre ses performances et celles d'hommes qui abordent les mêmes thématiques. Elle met en évidence l’usage fréquent de mots pour la décrire physiquement (comme l'adjectif "sexy"), alors qu’il semblerait tout à fait incongru de les appliquer à ses homologues masculins. « J'avais vu mes prédécesseurs du rock'n'roll, qui étaient des hommes, jouer sur scène et les gens disaient : "ils ont l'air tellement rock'n'roll, ils ont tellement une attitude rock'n'roll", et pas : "ils ont l'air tellement sexy, ils ont une attitude tellement sexy" ».
Jackie Shane est une chanteuse de soul et de rhythm and blues afro-américaine, à la voix androgyne. Née en 1940, à Nashville dans le Tennessee, elle est assignée garçon à la naissance. A l'âge de treize ans, elle annonce à sa mère qu'elle est une femme. En 1960, elle part à Montréal, où elle assiste à un concert de Frank Motley and his Motley Crew à l'Esquire Show Bar. Elle est repérée par le pianiste du groupe, Curley Bridges, qui l'invite à monter sur scène. Elle interprète alors des chansons de Ray Charles et de Bobby Blue Band. En 1961, elle devient la chanteuse principale du groupe et elle s'installe à Toronto. Jackie Shane est la première à utiliser le mot gay dans une chanson. En 1962, elle reprend Any Other Way de William Bell, où elle change les paroles de façon subversive pour chanter : "Tell her that I'm happy, Tell her that I'm gay". Ce morceau sera son plus grand succès. Dans les années 1970, elle rentre aux Etats-Unis et retombe peu à peu dans l'anonymat. En 2010, Elaine Banks et David Dacks produisent I Got Mine : The Story of Jackie Shane, un documentaire consacré à la vie de la chanteuse. En 2011, ses performances à la Sapphire Tavern apparaissent dans la série télévisée documentaire Yonge Street : Toronto Rock & Roll Stories de Bruce McDonald. En 2014, le court métrage Whatever Happened to Jackie Shane ? réalisé par Sonya Reynolds et Lauren Hortie est sélectionné dans des festivals de films LGBTQI+. Elle s'éteint le 21 février 2019, à Nashville.
Sidonie-Gabrielle Colette (1873-1954) est une femme de lettre française connue comme romancière, mais aussi mime, actrice, critique théâtrale et journaliste. Adorée par sa mère, féministe et athée lisant Corneille caché dans un missel, Colette eut une enfance libre et heureuse. Introduite dans le Paris littéraire et mondain par Willy, son premier mari, elle livre ses souvenirs d’enfance sous la fameuse série des Claudine et surtout, sous la signature de Willy.
Après son divorce, elle mena sa vie avec pour seul dessein : l’expression de sa liberté. Des liaisons saphiques à scandale au music-hall, l’écolière aux longues tresses, pantomime impudique, poète du silence, fut aventurière de son temps. Celle, qui, enfant rêvait d’être marin, devint deuxième femme élue membre de l’académie Goncourt, et aussi la présidente de 1949 à 1954.
Emma Goldman (27 juin 1869 – 14 mai 1940) est une anarchiste d’origine lituanienne connue pour ses écrits et ses manifestes radicaux libertaires et féministes.
"If I can't dance in your revolution, I'm not coming."
Toni Cade Bambara (1939-1995) fut écrivaine, poète, réalisatrice de film documentaire, professeure, et militante activiste des droits humains. On lui doit notamment le recueil de nouvelles Gorille, mon amour et le roman Les mangeurs de sel, réédités récemment aux éditions Ypsilon, où de Harlem en Géorgie, l'autrice dresse un large portrait de la communauté africaine-américaine, donnant la voix aux humilié.e.s avec humour et compassion. Sa dernière œuvre, publiée à caractère posthume, Ce cadavre n'est pas mon enfant (aux éditions Christian Bourgois), raconte les assassinats d'une quarantaine d'enfants africains-américains à Atlanta dans les années 80. Il fut le fruit de douze années de travail et de recherches, et il est, selon Toni Morrison (prix Nobel en 1993), une œuvre fondamentale : "l'histoire du monde resterait incomplète si ce livre n'était pas publié".
Souvent oubliée, Toni Cade Bambara fut pourtant l'une des plus grandes femmes de lettres de son temps. Son œuvre et sa lutte constante en font une figure de la pensée intersectionnelle.
Janis Lyn Joplin (1943-1970) est une chanteuse américaine de rock, soul et blues, révélée au milieu des années 60 par ses performances vocales et scéniques, puissantes et maîtrisées, dans le groupe Big Brother and the Holding Company. Surnommée « Pearl » ou « La reine de la soul psychédélique », elle participe au festival pop de Monterey (juin 1967) ainsi qu’au festival de Woodstock (août 1969).
Également peintre, danseuse et musicienne, l’amazone bisexuelle trouve son style à partir de ses icônes féminines blues et de la Beat Generation : une voix rocailleuse, écorchée, et une silhouette Flower power résolument déglinguée. Elle meurt d’une overdose d’héroïne à l’âge de 27 ans.
Oksana Chatchko, artiste peintre, activiste féministe ukrainienne et co-fondatrice des Femen, a mis fin à ses jours le 23 juillet à Paris. Anne Védrines lui rend femmage.
Ezra Furman est une artiste, autrice compositrice et interprète américaine de 34 ans. C'est aussi une figure queer, de grands yeux d'enfant et une rage poétique, une voix déchirée, un être sensible, des mots sincères et un élan pétillant sur scène.
Son œuvre musicale oscille entre glam rock, punk et folk. Prolifique, Ezra a signé la BO de Sex Education et son dernier album Twelve Nudes se pare de notes encore plus punk.
J’ai découvert Gisèle Halimi devant ma télévision un soir. Elle, si combattive devant l’horreur, aux côtés de deux femmes violées. Elle est de ces femmes qui changent un monde, qui se battent au-delà de ce qui semblait possible. Au procès de 1978, où trois violeurs étaient jugés pour avoir fait subir des atrocités à deux jeunes femmes venues voyager en France, elle a tout donné. Grâce à cette rage de combattre les injustices, Gisèle, l’avocate, a gagné un pari fou pour l’époque : faire juger les viols en tant que crimes et non plus comme simples délits. Parce que oui, le viol est un crime, une mort sans cadavre, un traumatisme immense.
En fouillant un peu plus sur Gisèle Halimi, je me suis rendue compte qu’elle n’en était pas à sa première bataille, à son premier combat pour les femmes. Procès de Bobigny, 1972, elle défend une jeune fille de 16 ans, tombée enceinte à la suite d’un viol. Elle a avorté clandestinement, aidée par sa mère et des amies, elles se retrouvent toutes devant un tribunal. Gisèle Halimi obtient la relaxe pour tout le monde et ce procès aidera Simone Veil à faire promulguer la loi sur l’IVG en 1975.
Elle est de ces femmes qu’on ne peut oublier, qui restent dans un coin de la tête quand il est temps pour nous de faire face à des injustices. Elle nous donne l’envie de nous révolter et d’aller jusqu’au bout de cette révolte car elle est la preuve que nos combats ne sont pas vains.
Daniela Carrasco, connue sous le nom de la « Mimo » (la mime), a été retrouvée pendue, à Santiago du Chili, le 20 octobre 2019. Visage maculé de blanc, nez de clown, et costume de saltimbanque, cette artiste de rue et militante pacifique avait trente-six ans. Elle était l’une des figures emblématiques de la contestation chilienne, depuis le début du mouvement social contre les disparités socio-économiques, lancé le mois d’octobre dernier. Le « Chile desperto » (réveil chilien) dénonce en effet le coût des services publics, mais aussi les abus de pouvoir et la violation des droits humains, à commencer par les viols et autres agressions contre les femmes, faisant face à une répression virulente.
Pour le moment, cette affaire demeure mystérieuse et confuse. Les policiers ont affirmé qu’il s’agissait d’un suicide, mais de nombreuses associations et manifestant.e.s, comme la section chilienne du collectif « Ni una di meno » (pas une de moins), parlent d’un féminicide d’état. L'association affirme que la mime a été « violée, torturée », puis « tuée », et « montrée comme un trophée, en guide d’avertissement à tou.te.s les autres ». Le collectif d’avocates chiliennes ABOFEM a publié un message sur les réseaux sociaux visant à dénoncer les « fausses informations » qui ont circulé sur l’affaire. Elles révèlent que Daniela a laissé une lettre expliquant les raisons d’un suicide éventuel, et qu’aucun signe évident de torture ou d’agression sexuelle n’a été trouvé. L’enquête visant à clarifier les circonstances de sa mort est toujours en cours.
« Elles jetaient ou levaient des sorts, fournissaient des filtres et des potions, mais elles soignaient aussi les malades et les blessés, ou aidaient les femmes à accoucher. Elles représentaient le seul recours vers lequel le peuple pouvait se tourner et avaient toujours été des membres respectés de la communauté, jusqu’à ce qu’on assimile leurs activités à des agissements diaboliques. Plus largement, cependant, toute tête féminine qui dépassait pouvait susciter des vocations de chasseur de sorcières. Répondre à un voisin, parler haut, avoir un fort caractère ou une sexualité un peu trop libre, être une gêneuse d’une quelconque manière suffisait à vous mettre en danger. Dans une logique familière aux femmes de toutes les époques, chaque comportement et son contraire pouvait se retourner contre vous : il était suspect de manquer la messe trop souvent, mais il était suspect aussi de ne jamais la manquer ; suspect de se réunir régulièrement avec des amies, mais aussi de mener une vie trop solitaire… L’épreuve du bain le résume bien. La femme était jetée à l’eau : si elle coulait, elle était innocente ; si elle flottait, elle était une sorcière et devait donc être exécutée. »
Extrait de Sorcières - La puissance invaincue des femmes, Mona Chollet, Zones, 2018.