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Un poumon pour deux

Brasier

La pluie constelle tes plantes, tes plantes verdoyantes,

tes plantes qui pleurent l'eau dont elles ne se nourrissent pas.

Pendant ce temps tu fulmines et la page blanche de ton esprit

se couvre de gribouillis d'enfant. Sur la plage hier, tu n'étais qu'une enfant.

Tu m'expliquais : « une venelle est une ruelle qui lie l’une à l’autre deux rues, leurs passants... »

On pensait qu’il y avait un pont entre mon esprit et ton cœur 

et c’est la raison pour laquelle la nuit, tu m’offrais un poumon.

Je te disais qu’il te ferait défaut un jour mais tu ne voulais rien entendre,

tu me ré-insufflais la vie.

Ce soir, je t’imagine ruisselante de soleil dans une rivière

où abondent les araignées d’eau.

Cela fait des mois que mes yeux sont arides

mais aujourd’hui j’ai pleuré

à cause de la manif, d’un coup de taser et aussi des gaz lacrymos.

J’ai vu dans la manif une fille dans une pluie de cendres

me dire au sein du brouhaha

que peut être un jour m’avais-tu trop aimée.

Ce soir, la pluie constelle mes plantes verdoyantes,

mes plantes qui pleurent l’eau dont elles ne se nourrissent pas.

Je pense à toi ce soir, un débris de verre fiché dans ma chair

depuis le moment à la manif où les vitres ont explosé.

Aussi, c’est seulement en extrayant l’éclat de verre,

que je t’extrais de moi et que dans un bain de sang

j’apprends que je t’aimais.

Poème : Sarah Butard

Collage : Brasier

Avril 2022

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