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Eliz Murad, diva rock décalée

Vêtue d'une longue robe dorée garnie de paillettes et de baskets, la chanteuse et bassiste d'origine libanaise Eliz Murad décoiffe avec sa voix possédée et sa basse ondulante. Son groupe, Teleferik, jette un pont entre l'Occident et l'Orient, distillant ce qu'il faut d'engagement et de rêverie dans ses chansons.

Eliz Murad

Crédit photo : Alca Luto

Sous sa crinière à la Janis Joplin, la chanteuse et bassiste de Teleferik ressemble à une diva rock décalée. Elle trouble les genres musicaux, fusionnant les sonorités éthérées et engagées, les quarts de tons (fréquents dans la musique arabe) et les demi-tons, puisant dans les influences soul, blues ou rock de son adolescence. « Il y a eu un moment de gel artistique au Liban, la scène musicale regorgeait de clones commerciaux aux sons très électros et occidentaux », explique Eliz. « Je souhaite mélanger le style des divas (Fairuz, Dalida… ) et faire évoluer ce style de glamour. Je revendique l'authenticité et l'originalité de ma démarche. » A cette image de diva tordue, ajoutez donc la guitare revêche d'Arno, les paroles d'Eliz chantées en arabe, en français ou en anglais, la puissance de clips comme Behlam Fik ("Je rêve de toi") sortis de contes de fées queer, rock et vaporeux… le brouillard s'épaissit, vous ferez bien une petite montée en Teleferik avec nous ?

 

 

L'époque de la Cantine des Ginettes armées

 

La première expérience musicale d'Eliz ne s'invente pas. Elle est organiste ; « bassiste avec les pieds », précise-t-elle, mais arrête cet instrument à la vingtaine. Plus tard, diplômée d'un Master spécialisé dans la vidéo aux Beaux-Arts, elle écrit à travers les films et façonne sa plume, sans le savoir, pour ses futures chansons. Elle vit cependant dans la précarité, devient disquaire pendant quatre ans avant de se mettre en intérim pour pouvoir mener des projets musicaux.

 

Pour cerner Eliz, il faut faire un rapide saut en arrière au milieu des boules à facette et décorations kitsch des clubs LGBTQI+ des Halles. Tout particulièrement au Troisième Lieu, dit la Cantine des Ginettes armées, bastion lesbien fondé en 2004, aujourd'hui fermé définitivement. « Ce bar-resto, qui faisait aussi boîte de nuit, c'était un peu La Mutinerie de l'époque ! », s'extasie Eliz. Dans cet espace festif et sécurisé, l'on danse, drague et se rend visible. Le club lesbien Le Pulp et la péniche Rosa Bonheur représentaient aussi des oasis de liberté pour Eliz. C'est à cette époque qu'elle nourrit son engagement et fait partie d'un groupe de filles, pendant quatre ans, qu'elle quittera ensuite faute de concerts. En 2011, la vraie expérience live peut commencer. Elle imagine l'identité de Teleferik et co-compose avec Arno Vincendeau, qu'elle avait rencontré des années auparavant. Avec ce guitariste, lui aussi cinéaste, Eliz explique : « c'est simple, j'ai gagné un frère ».

« Avoir des hommes dans le groupe amoindrit notre démarche aux yeux de la presse LGBTQI+ »

 

Le groupe, rejoint par Olivier Hurtu (Jesus Volt) à la batterie depuis 2014, tire son nom d'un téléphérique libanais reliant la mer à la montagne. « C'est un mot international, compris en Occident jusqu'au bled », commente Eliz. Tout comme le téléphérique est « une petite cabine qui va d'un point à un autre », Teleferik jette des ponts entre le passé et la modernité, l'Occident et l'Orient… « C'est difficile d'être mis dans une case. On nous a proposé les appellations "rock indé" puis "world music"… Pour notre album à paraître, Blood Orange Sirup, on a accepté la deuxième. Malheureusement, on doit pouvoir te mettre dans une case pour pouvoir communiquer sur toi… Nous, on a juste envie de se décrire comme un groupe métissé. »

 

L'autre souci récurrent de Teleferik est le désintérêt de la presse queer pour son projet. « Il y a le problème du style musical : rock, quand l'électro continue d'être à la mode dans le milieu, et le fait que je joue avec des mecs. Avoir des hommes dans le groupe amoindrit notre démarche aux yeux de la presse LGBTQI+ », regrette-t-elle. La leader queer du groupe est par ailleurs engagée dans l'association SAWTI qu'elle a fondée afin de représenter les femmes LGBTQI+ méditerranéennes et arabes de France. Elle cherche des gens pour lui prêter main forte car elle est seule à gérer le projet pour le moment.

 

Blood Orange Sirup

 

L'année vient à peine de commencer que le groupe sortira bientôt un deuxième album intense et prenant : Blood Orange Sirup. Enregistré en septembre 2017 par le producteur Azzedine Djelil (Rita Mitsouko, Minuit… ), avec en invité le claviériste Rizan Saïd (Bjork, Damon Albarn… ), Blood Orange Sirup est le fruit d'un an et demi de travail et de recherche esthétique. Grâce à un crowdfounding qui s'est terminé le 24 décembre, la veille de Noël, Teleferik a obtenu 12 018 euros. 250 albums ont pu être pré-commandés et la campagne de financement a permis de couvrir 98 % des dépenses du groupe (enregistrement, communication...).

 

L'album est actuellement en cours de mastering et le groupe veut démarcher des structures pour qu'il ait plus de visibilité au niveau de la société civile mais aussi des professionnels. Mélange de musiques rock et orientales, Blood Orange Sirup propose une synthèse puissante et envoûtante, typique de la world music. « Le brassage des cultures fait notre richesse, mais surtout quand on sait de quoi elles parlent et d'où elles viennent. Je n'aime pas l'idée de trouver une culture, un pays exotique », achève Eliz.

Eliz Murad

Crédit photo : Alca Luto

Eliz Murad en 5 dates :

 

1996 : Son père lui achète son premier album : Paradise in Me, du groupe de rock belge K's Choice. Eliz l'écoute encore aujourd'hui.

 

Été 2006 : La guerre éclate au Liban, Israël bombarde Beyrouth. Eliz ne parvient pas à joindre sa famille. Sa seule alternative est d'écrire, de crier. Elle compose la chanson Bombs and Rockets et comprend alors l'importance de la musique dans sa vie.

 

2010 : Eliz recroise son ami Arno Vincendeau, qu'elle avait perdu de vue. Ils travaillent ensemble sur un film, puis décident de créer Teleferik.

 

Octobre 2015 : Pendant la tournée aux États-Unis avec Teleferik, Eliz réalise « un rêve de gosse ». Elle est alors sûre que tout est possible quand on s'en donne les moyens. « Le public américain nous a adoubé et nous a donné confiance en nous, en notre musique », raconte-t-elle.

 

Septembre 2017 : Teleferik enregistre l'album Blood Orange Sirup.

Pam Méliee

Janvier 2018

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