La fée verte
L'absinthe, elle coule à flot et
tu collectes les coquilles vides des pistaches sur la table
- les mots d'adultes ne sonnent plus creux depuis que le sort de la fée verte
les fait délirer, dériver, comme sur un bateau ivre -
tu as le cœur qui pulse quelque part dans ton bas-ventre,
ou alors c'est un têtard que tu aurais avalé
ce matin à la source.
Un monticule de coquilles croît très vite sur la table
et ton amie demande si le têtard survivra "car y a-t-il assez d'eau dans ton ventre ?
Y-a-t-il de l'eau, Sarah ?"
Et tu ne réponds rien à celle-ci car ses questions te fâchent
et t'effraient surtout car que feras-tu d'une petite grenouille bondissante ?
Pour meubler le vide, oublier le têtard et les adultes réunis dans la pièce qui pue l'amour,
elle et toi vous allez voir le soleil ensanglanté qui répand
sa substance dans le ciel crayonneux.
Vous vous maculez les lèvres de jus de baies indélébile
et vous vous embrassez dans un soir
douloureux et sanglant.
Quand vous rentrez des succulentes partout dans la chevelure,
des tâches de baies sur les doigts
les adultes sont partis, tu berces ton amie et c'est la montagne aux hanches courbes
qui pulse dans tes bras.
Poème : Sarah Butard
Collage : Brasier
Janvier 2023